Le FMI vient de relever ses prévisions de croissance mondiale pour 2024, alors même que les taux d’intérêt restent hauts et que l’industrie allemande cale. Les signaux précurseurs dessinent une reprise inégale selon les secteurs, affichant une nette opposition entre la bonne santé des services et la vulnérabilité persistante de la production manufacturière.
En Europe, la rigueur budgétaire complique la route vers une croissance plus partagée. L’inflation, toujours nettement au-dessus des standards de la décennie écoulée, s’accroche tandis que le marché du travail reste sous tension dans les grands pays avancés.
Où en est la reprise économique mondiale en 2024 ?
Le paysage de la reprise économique mondiale en 2024 se dessine à coups de contrastes marqués. Aux États-Unis, la croissance tient bon : le marché de l’emploi demeure solide, la consommation des ménages reste soutenue. En Asie, la Chine oscille entre timides relances de l’investissement et un secteur immobilier toujours sous pression. Quant à la zone euro, elle avance au ralenti, le PIB progresse en dessous des attentes, l’industrie patine et la politique monétaire garde la bride haute.
La France, elle, n’échappe pas à ce manque d’allant. Les statistiques sont sans appel : une croissance tassée à 1,1 %, une inflation de 2,4 %, et des ménages qui, par sécurité, préfèrent épargner plutôt que consommer. Cette épargne, pourtant abondante, ne circule pas suffisamment vers l’investissement productif. Les entreprises hésitent à relancer, freinées par un environnement incertain. L’emploi se fige, le chômage reste haut et la durée effective du travail ne remonte pas la pente européenne. S’ajoutent à cela le vieillissement de la population, un rythme lent d’innovation et un cadre réglementaire qui refroidit les initiatives.
Trois points clés résument la situation actuelle :
- Le secteur des services résiste, tandis que l’industrie et la construction marquent le pas.
- Selon Bpifrance Le Lab, les PME et TPE voient leur rentabilité grignotée, entre hausse des salaires et incertitude sur la demande.
- Le durcissement de la politique monétaire limite l’accès au crédit, ce qui freine l’investissement et bride la reprise.
La productivité n’avance plus, les exportations s’essoufflent, la dépendance aux importations s’accentue. Les moyens pour financer la transition écologique, moderniser l’industrie ou renforcer la formation restent limités. La réorientation de l’épargne privée vers des placements de long terme, pourtant nécessaire, ne décolle pas. Pour la Banque de France comme pour l’Insee, la reprise se fait sentir, mais en demi-teinte et sans l’énergie espérée.
L’économie allemande, moteur ou frein pour l’Europe ?
Le modèle allemand montre aujourd’hui des signes d’essoufflement. Après des années à tirer la zone euro, l’Allemagne fait désormais face à une croissance stagnante. Son industrie, historiquement dominante, subit le contrecoup d’une demande mondiale atone, des prix de l’énergie qui restent élevés, et d’une adaptation laborieuse aux transformations numérique et verte. La récession technique de 2023 a laissé des traces durables. L’activité reprend, mais sans retrouver le rythme d’antan.
Certes, la balance commerciale allemande reste excédentaire, mais l’écart se réduit. Les échanges avec la Chine et les États-Unis fléchissent, la demande intérieure ne parvient pas à compenser. Les défis démographiques se précisent : la population vieillit rapidement, les tensions sur le marché du travail augmentent et le taux d’activité plafonne. L’investissement productif avance timidement, freinant l’innovation et la montée en gamme industrielle.
Pour la France, la situation de l’Allemagne pèse sur la dynamique européenne. Les échanges au sein de la zone ralentissent, l’effet d’entraînement allemand s’affaiblit. Les chiffres sont clairs : le potentiel de croissance de la zone euro s’érode, la France pâtit de sa compétitivité fragile et d’un déficit extérieur qui ne se résorbe pas. Les deux économies s’enlisent dans une croissance molle, freinées à la fois par des mutations de fond et des ajustements de court terme. Face à cette impasse, la réindustrialisation et une stratégie européenne concertée ne relèvent plus du choix, mais de la nécessité. À défaut, le centre de gravité économique du continent risque bien de basculer ailleurs.
Facteurs clés et scénarios d’évolution pour 2025
Pour la France, trouver une trajectoire de croissance économique durable relève désormais du défi. Les estimations actuelles, relayées par l’Insee et la Banque de France, tablent sur une progression du PIB comprise entre 0,6 % et 0,9 % en 2025. L’inflation, attendue autour de 1,6 %, pourrait redonner un peu de souffle aux ménages, mais la consommation reste entravée par la prudence et un taux d’épargne élevé. Les leviers classiques, investissement des entreprises, commandes publiques, marquent le pas. Les obstacles réglementaires persistent, et l’épargne privée continue de bouder l’investissement productif.
Dans ce climat, trois trajectoires se dessinent pour 2025 :
- Scénario tendanciel : la croissance stagne, freinée par la politique budgétaire et monétaire resserrée. Le déficit public reste au-dessus des 3 % du PIB, la dette publique demeure lourde, la dynamique de l’emploi plafonne.
- Scénario de choc fiscal : une réduction rapide des dépenses publiques pour rentrer dans les normes européennes. Ce choix comporte un risque évident de contraction de la demande, d’émergence de tensions sociales et d’une acceptation difficile.
- Scénario de politique de croissance : une relance sélective misant sur l’innovation, le capital humain, l’augmentation de la productivité, la réindustrialisation et la transition écologique (plan France 2030, France industrie verte). Cette option pourrait porter la croissance potentielle à 2 % par an, à condition d’une mobilisation collective et d’une direction politique affirmée.
La capacité de décision politique et l’adhésion de la société pèseront lourd dans la balance. Le pari se situe entre rigueur et investissement : transformer l’épargne en capital utile, embarquer tous les acteurs dans un projet commun. C’est ce sursaut collectif qui fera la différence, ou laissera la France sur le quai, tandis que d’autres accélèrent.