Mai 2022. Bybit rejoint la liste noire de l’Autorité des marchés financiers, banni sans détour de toute sollicitation du public en France. Mais sur le terrain, la frontière s’effrite : des investisseurs s’y connectent encore, contournant l’interdit via divers stratagèmes, et exposant leurs fonds à des tempêtes réglementaires dont la portée reste largement sous-estimée.
Cette réalité met à nu les limites du cadre légal actuel, alors que le règlement européen MiCA promet de refondre le paysage et d’imposer des règles uniformes aux plateformes de crypto-actifs. L’écart qui subsiste entre la loi et les usages questionne la fiabilité des plateformes non agréées et la protection réelle des utilisateurs.
Plateformes de crypto-monnaies : quelles garanties pour les utilisateurs français ?
Protéger les investisseurs français face à la multiplication des plateformes d’échange de cryptomonnaies relève d’un défi permanent. Aujourd’hui, l’AMF ne reconnaît qu’une quarantaine d’opérateurs autorisés à exercer sur le sol national, tous enregistrés comme prestataires de services sur actifs numériques (PSAN). Ce statut ne préjuge pas de leur robustesse financière, mais il impose des règles strictes sur l’origine des fonds et la lutte contre le blanchiment.
Avec Bybit, non agréé, le risque est immédiat : en cas de litige, de piratage ou de blocage des avoirs, aucune protection institutionnelle n’est prévue. Pour mémoire, les plateformes dûment enregistrées doivent respecter plusieurs exigences, dont voici les principales :
- Vérification de l’identité des clients afin de limiter les fraudes,
- Séparation stricte des fonds propres et des actifs détenus pour le compte des clients,
- Transparence totale sur les frais appliqués et les modalités d’utilisation,
- Déclaration obligatoire à la direction générale des finances publiques pour chaque opération impliquant des euros.
Les plateformes non enregistrées, à l’image de Bybit, échappent à ces contrôles. L’investisseur se retrouve seul, exposé à la volatilité du marché et sans recours en cas de difficulté. L’essor des services offshore accentue encore ce déséquilibre. La réglementation tente de protéger le public, mais elle peine à suivre le rythme effréné du secteur crypto.
Réglementation européenne MiCA : un nouveau cadre pour sécuriser les marchés de crypto-actifs
Avec l’arrivée de MiCA (Markets in Crypto-Assets), l’Union européenne construit le socle d’une régulation plus cohérente pour les actifs numériques. Adoptée en 2023, cette législation vise à harmoniser des pratiques jusque-là fragmentées par des règles nationales disparates. Toute plateforme désireuse d’opérer en Europe devra désormais décrocher un agrément unique, valable sur l’ensemble du territoire.
MiCA cible de front les failles exploitées par certains acteurs du trading crypto. Elle encadre :
- Les modalités d’émission et la présentation au public des crypto-actifs,
- La responsabilité des plateformes en cas de défaillance,
- La gestion et la protection des fonds confiés par les clients,
- L’obligation de publier un livre blanc pour chaque nouvel actif, suivant le modèle du code monétaire et financier.
La réglementation s’applique aussi aux stablecoins, ces actifs adossés à une monnaie officielle. MiCA impose aux émetteurs des obligations de réserve et de transparence, limitant ainsi les risques de déstabilisation financière. Pour les investisseurs, cela signifie la fin d’une ère de zones d’ombre sur l’identité des acteurs et la fiabilité des plateformes.
Face à ces nouvelles exigences, les opérateurs historiques accélèrent leur adaptation. Les grands noms du secteur, déjà implantés en France, anticipent une surveillance plus soutenue et se préparent à harmoniser leurs pratiques. Quant à Bybit et aux plateformes non enregistrées, le choix sera clair : se conformer, ou s’effacer du marché européen.
Risques, vigilance et liste noire de l’AMF : ce qu’il faut savoir avant de choisir une plateforme
La prudence s’impose devant les plateformes non enregistrées. L’AMF publie régulièrement une liste noire recensant les sites proposant l’achat, la vente ou l’échange de crypto-actifs sans autorisation. Bybit incarne la fermeté de la régulation française : toute prestation en France sans inscription à l’AMF expose à des sanctions, voire à des poursuites judiciaires.
Avant de s’engager sur un marché crypto en France, il est indispensable de vérifier le statut de la plateforme. L’AMF met à disposition une base complète des opérateurs autorisés. Une plateforme non agréée prive l’investisseur de toute protection réglementaire : aucun recours en cas de litige, risques accrus de piratage, de perte de fonds ou d’arnaque.
Quels signaux doivent alerter ?
Certains indices doivent mettre la puce à l’oreille des utilisateurs. Les voici clairement listés :
- Absence d’adresse physique ou de mentions légales détaillées,
- Promesses de gains élevés ou de bonus alléchants à l’inscription,
- Difficulté à contacter un service client réactif en français,
- Plateforme absente du site officiel de l’AMF.
L’intelligence artificielle gagne du terrain pour repérer les acteurs frauduleux, mais rien ne remplace une vérification humaine approfondie. Les tentatives de phishing se multiplient, visant autant les débutants que les investisseurs aguerris.
Attractif, le marché français demande pourtant un niveau d’attention élevé. Les investisseurs doivent se saisir des outils de contrôle et éviter toute plateforme figurant sur la liste noire de l’AMF. La sélection doit rester rigoureuse, en phase avec l’évolution rapide de la réglementation et des usages.
La frontière entre innovation et insécurité dans l’univers des crypto-actifs n’a jamais été aussi fine. À chacun de choisir de quel côté il souhaite se placer.